De kerckhove reports on the situation at the Belgian Court in preparation of the arrival of the Archduke Ferdinand Maximilian of Austria who will shortly marry the Belgian Princess Charlotte. This strategic marriage will strengthen the influence and good relations between King Leopold and the Great Powers.
Excellence, La cour de Bruxelles vient d’entrer dans une série de fêtes plus ou moins intimes, par suite de l’arrivée dans cetteecapitale de l’Archiduc Ferdinand-Maximilien d’Autriche, futur époux de la Princesse Charlotte de Belgique. Cette union prochaine viendra resserrer entre la famille Impériale d’Autriche et celle du Roi Léopold les liens d’alliance qu’avait créés il y a quatre ans, le mariage du Duc de Brabant, héritier du trône de Belgique, avec l’Archiduchesse Marie d’Autriche.
Elle a donc une certaine importance politique, moins grande sans doute que se l’imaginent quelques vieux diplomates surannés, mais qui toutefois mérite d’être remarquée. Il est évident, en effet, que le RoiLéopold, qui, au fond du cœur, est toujours plus ou moins inquiet du côté de la France, a voulu chercher au dehors, des points d’appui pour sa dynastie, en la rattachant, par les mariages de ses enfants, à l’une des plus grandes puissances militaires de l’Europe. Le calcul est habile et jusqu’ici, il réussit bien. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les alliances de famille n’ont plus aujourd’hui la même importance qu’autre-fois. L’Empereur Napoléon 1er avait, lui aussi, épousé une Archiduchesse d’Autriche ; ce qui ne l’a pas empêché de rencontrer dans l’Empereur d’Autriche, son beau-père, un de ses ennemis le plus actifs. Le Roi des Pays-Bas avait marié son fils aimé à la sœur de l’Empereur Nicolas ; et cependant, lorsque la Belgique se révolta, en 1830, et réclama sa séparation de la Hollande, le fier Empereur de Russie se vit obligé d’abandonner la cause de sa sœur et de consentir au démembrement du Royaume sur lequel elle était appelée à régner ; et, comme pour lui rendre ce
sacrifice plus amer, ce fut en faveur d’une révolution heureuse que la raison politique le força d’abandonner les droits d’une Grande Duchesse de Russie ! Je pourrais trouver bien d’autres exemples dans l’histoire moderne mais il n’en est point de plus saisissants que ceux-là, et je les cite de préférence ; parcequ’ils se rapportent plus ou moins l’un et l’autre aux destinées de la Belgique. Il y a donc beaucoup a rabattre de la joie qu’éprouvent les amis de la dynastie du Roi Léopold à propos de ce second mariage Autrichien. Il faut remarquer d’ailleurs que l’héritier du trône, le Duc de Brabant, est jusqu’ici sans enfants et se trouve dans un état de santé assez peu rassurant ; de façon que les avantages qui pourraient résulter, pour l’avenir de son mariage avec une Archiduchesse d’Autriche sont assez problématiques ; et à moins de supposer qu’il ne se trouve encore une autre Princesse du sang Impérial pour le second fils du Roi, le comte de Flandre, il n’est pas probable que la dynastie du Roi Léopold profite beaucoup de ces alliances. Mais si la Belgique ne retire pas grand avantage de ces mariages, il n’en est pas tout
à fait de même de l’Autriche : la cour de Vienne doit voir avec plaisir des membres de la famille Impériale s’établir dans un pays qui a appartenu autrefois à l’Autriche . Il ne saurait lui être indifférent d’étendre ainsi son influence sur les bords de l’Escaut, près du Rhin, entre la France et la Prusse. Les mariages ont toujours utilement servi la politique Autrichienne : c’est par des mariages et des successions ou des traités, bien plus que par les batailles gagnées, que la maison d’Autriche est devenue ce qu’elle est en Europe ; elle a su en tout temps, tirer admirablement parti des circonstances pour s’agrandir aux dépens des autres. Sa réputation est faite depuis longtemps sous ce Rapport. Dès le 15me siècle on avait remarqué en Europe ce singulier système de conquêtes, et c’est ce qui a donné lui à deux vers latins devenus célèbres, et qui coururent le monde à cette époque. En voici la traduction : Que les autres guerroient entre eux ; pour toi, heureuse Autriche marie-toi, Car les royaumes qu’aux autres donne le dieu des combats te sont donnés à toi par la déesse des amours (1) (1) Voici le texte latin : Bella gerant alii ; tu felix Austria nube ; Nam que Mars aliis, dat tibi regna Venus.
Quoiqu’il en soit, ou est très content et très Hatté en Belgique de cette nouvelle alliance Impériale. Du reste, il faut le dire, l’Archiduc Ferdinand est fort-bien. Lors de la réception du corps diplomatique, il s’est montré très-gracieux pour la Légation Ottomane et m’a parlé avec reconnaissance de l’accueil qu’il a reçu pendant son voyage en Turquie. Il cause avec facilité et ses manières sont agréables. Mais ce qu’on aime surtout à Bruxelles dans les Princes, ce sont les fêtes qu’ils donnent ou font donner. On espère que grace [sic] à la présence de l’Archiduc, l’hiver sera brilliant ; c’est là une perspective agréable pour les amis des plaisirs et pour les boutiquiers de Bruxelles. Les légations étrangères auront naturellement à fournir leur contingent de fêtes. Il va de soi que la pauvre Légation de Turquie devra s’abstenir dans cette course au clocher de diners [sic] et de bals : cela est sans doute très- fâcheux, mais il est impossible qu’il en sort autrement: le Ministre de Turquie à Bruxelles ne peut pas, avec ses appointements de conseiller de Légation entrer en lice avec des collègues qui ont sept ou huit fois plus de traitement que lui. Ce Ministre dépense déjà, en temps ordinaire, dix ou douze
mille francs par an, au-delà de sont traitement, (et cela depuis plus de sept ans ; total : soixante-quinze à quatre-vingt mille francs) la Sublime-Porte ne peut pas, je crois, exiger davantage. La situation intérieure de ce pays s’est un peu améliorée, depuis la discussion de l’adresse des chambres en réponse au discours du trône. Les passions politiques qu’avait ravivées à un point extraordinaire la délicate question de l’enseignement supérieur, se sont de nouveau calmées, grâce à la sagesse de la majorité du parti conservateur. En effet, cette majorité, quoique mécontente, et avec raison, de la conduite ambiguë du chef du Cabinet, M. le Ministre de l’Intérieur, a cependant soutenu ce Cabinet de son vote, afin d’éviter les inconvénientsd’une nouvelle crise ministérielle qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses dans un moment où l’opinion publique se trouvait surexitée [sic]. Le Cabinet actuel reste donc encore aux affaires, et, s’il est prudent, s’il n’abuse pas de la majorité un peu factice que lui ont donnée les circonstances, il a beaucoup de chances de traverser sans encombre la
session législative. Et, dans ce cas, il pourra, s’il le veut, rendre de grands services au pays, précisément par ce qu’il ne représente aucun parti extreme, aucune idée avancée. En tenant haut et ferme le drapeau de la conciliation et de l’ordre, il pourra faire les affaires du pays mieux et plus sûrement qu’un ministère de gauche ou de droite pur, fût- il composé d’hommes beaucoup plus éminents que le Ministres actuels. La grande affaire du moment, c’est la question financière. Le budget des dépenses est très-élevé : l’armée et les forteresses en absorbent une bonne part. Il y aurait là de notables économies à réaliser ; mais, pour le moment, on n’ose pas y toucher : on a encore trop peur de la France. Aussi faudra-t-il bien finir par augmenter les impôts ; c’est toujours une nécessité pénible mais le pays est riche ; son commerce et son industrie croissent d’une manière sensible, et il n’y a pas de milieu pour lui ; il doit ou bien se résoudre à payer davantage, pour soutenir un état de dépenses qui augmente d’année en année, ou bien il doit cesser d’être.
Series | HR.SYS-228-36 |
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Place | Brussels |
Date | 27-12-1856 |
Author | Eugène de Kerckhove |
Recipient | Edhem Pacha |
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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.