De Kerckhove discusses the history and evolution of France before describing the place of Belgium in the European context.
Excellence, La mesure prise par le Président contre les biens de la famille d’Orléans a produit en Belgique un véritable saisissement. L’instinct du peuple, qui est souvent plus perspicace que la raison des hommes d’état, a entrevu, dans ce fait, un sérieux avertissement. Il est avéré mainte- nant que Louis Napoléon est un homme sans principes, dont toute la politique est de réussir: Sa
Sa Parole ne peut avoir aucune valeur pour qui se rappelle ses précédents. Après l’affaire de Strasbourg, il avait promis au gouvernement de Louis-Philippe de ne plus rien faire qui pût troubler la France ; et cependant il y revint bientôt pour faire son incroyable coup a Boulogne. A la révolution de février, il vint offrir ses services à la République et au gouvernement provisoire en protestant de son estime pour les membres de ce gouvernement . Sa conduite a bientôt prouvé combien il était sincère. Il a prêté serment devant Dieu et devant les hommes de respectes la Constitution de 1848, et il a tout fait pour la ruiner
ruiner, par lui-même ou par ses journaux. Cette constitution était absurde, c’est vrai, mais il avait pris Dieu à témoin qu’il lui serait fidèle et ce serment il l’a confirmé chaque fois que l’inquiétude et les méfiances de la nation élevaient la voix contre lui. Mais, s’il a manqué de parole, de loyauté, il n’a pas manqué d’adresse. Son plan était bien combiné, et pour tout dire, les circonstances l’ont admirablement servi. Il a excité, chagriné, fatigué la Chambre par une foule de petites provocations, directes ou indirectes, discours, revues, articles, et, chaque fois qu’il croyait avoir été trop loin, il reculait dans le Moniteur sauf à recommencer le lendemain, dans le Constitutionnel
parlent assez haut. Il avait nommé une commission consultative, ou il avait jeté quelques noms qu’il voulait compromettre . Or, et c’est là une nouvelle preuve de sa sincérité, cette commission n’a été consultée en rien. Il venait, disait-il, sauver la propriété, et l’un des premiers actes de Son pouvoir est une abominable confiscation, réprouvée par le droit civil, autant que par la morale et par le bon sens; je dis par le bon sens, car c’est une immense maladresse qui lui fait des ennemis partout, en France et en Europe et qui chez un homme d’apparence si froide ne peut s’expliquer que par la passion de la haine et l’inquiétude de l’ambition. Raison d’état, dit-on
dit-on - Mais si les Orléans pouvaient ou voulaient conspirer, ils l’eussent fait deux ans plus tôt; et d’ailleurs il ne fallait pas, pour cela, confisquer leurs biens : le séquestre suffisait, prolongé indéfiniment, si on voulait, ou jusqu’à l’entière pacification de la France. Il y avait donc là une autre pensée, et cette pensée c’est l’établissement d’une dynastie. Or, pour en arriver là, il fallait d’abord déblayer le sol et arracher jusqu’aux moindres racines de l’ancienne monarchie ; « Mais, dira-t-on encore, il n’a pas pris le titre d’Empereur » - Et comment l’aurait il pris ? C’eût été de sa part un acte de folle impatience
impatience. Pour fonder son pouvoir avec force et éclat il lui fallait une grande démonstration nationale ; or cette démonstration il ne pouvait l’obtenir qu’en demandant un pouvoir temporaire sous prétexte de rétablir l’ordre. S’il allait au-delà, il devait s’attendre à trouver contre lui, dans le vote, lesLlégitimistes, les Orléanistes et les Républicains. Il a compris ce danger, et s’est borné à demander une présidence de dix années, en disant à la France ; moi ou le Socialisme, choisissez. Le peuple français a été pris comme dans une souricière : un mois plutôt il eût pu dire : non pas vous mais la Chambre. Au 20 Décembre, il était trop tard ; Napoléon avait eu soin de mettre la Chambre
la Chambre hors de cause, afin de simplifier la question et surtout la réponse . Le peuple français donc a dit et dû dire vous. cela fait, le reste viendra de soi-même: le Sénat et le Conseil d’état sont là, voire même ce pauvre corps Législatif pour dire au Président qu’il faut consolider l’œuvre de salut si heureusement fondé, le 2 Décembre; qu’il faut, pour le bonheur et la grandeur de la France, que le Président fasse violence à sa modestie, et qu’il consente, par dévouement et par patriotisme, à s’appeler empereur. Le Sénat, du reste, suffit pour cela : la Constitution, ou plutôt son auteur, a eu soin de prévoir le cas, en autorisant le dit Sénat
Sénat à proposer des modifications dans la loi fondamentale. Et puis, quel changement ? il n’y a qu’un mot à effacer - « Mais l’Empire s’écrie-t-on, c’est la guerre » Je crois que c’est une grande erreur :le Prince Louis-Napoléon voulait régner ; c’était le rève [sic] De toute sa vie: il règne; que lui faut-il de plus ? – Et puis la guerre contre qui ? et pourquoi ? – « Mais, dira-t-on sans doute, il voudra la Belgique, pour se rendre populaire en France et pour plaire à l’armée » - C’est vrai, et il l’aura quand il voudra : les griefs contre la Belgique, les prétextes de querelle ne lui manquent pas, in en a la main
main pleine : la Belgique est un pays démocratique; où la presse est libre; où l’on reçoit les réfugiés français ; qui est gouverné par un Prince allié et ami des d’Orléans : c’est un voisinage trop dangereux pour la France. La Belgique doit une trentaine de millions à la France pour les frais du siège d’Anvers : la France a besoin d’argent. La Belgique a laissé debout le lion de Waterloo, souvenir désagréable de la chute de l’Empereur et de la plus grande défaite que la France aît jamais essuyée : la France, rendu a elle- même, doit effacer la honte d’un désastre dû à la trahison. Voilà le langage qu’on tiendra, avant quelques mois peut-être, et il sera bien difficile
difficile d’y répondre. Rien n’est plus facile que la conquête de la Belgique. Rassembler cinquante mille hommes à la frontière, ce n’est pas bien long et grace [sic] à la censure et au ministère de la police, les journaux français se garderont bien d’en parler. De son coté, la Belgique est hors d’état de résister : les avocats de la Chambre, les hommes du congrès de la paix, les grands apologistes de la vertu d’économie ont si bien fait, des pieds et des mains, que l’armée belge est désorganisée . Il faudrait aujourd’hui au moins quinze millions pour remettre le matériel sur un pied respectable ; et quinze millions ne se trouvent pas du soir au lendemain
lendemain. Si l’on n’y prend garde, en Europe, il enlèvera la Belgique pas un coup d’états à l’extérieur, comme il a enlevé le régime parlementaire par son coup d’état intérieur du 2 Décembre. « Mais, disent certaines journaux, il donne des assurances de paix à toutes les cours » - Je voudrais bien savoir quel autre langage il pourrait tenir en ce moment. Et puis, le prisonnier évadé de Ham a fait ses preuves : il s’entend d parfaitement à endormir la vigilance De ses gardes. Que signifient donc les assurances d’un homme qui a si souvent et si effrontément manqué à sa parole? Qu’on n’oublie as qu’il
qu’il tient à imiter en tout son oncle (autant qu’il le peut, bien entendu, vu la différence des facultés), et l’on sait trop bien, en Europe, comment son oncle s’y prenait, quand il avait envie d’un pays, de l’Espagne ou du Portugal par exemple : s’il manquait de bonne foi, au moins il ne manquait jamais de prétextes pour expliquer la triste nécessité où il se trouvait de violer ses engagements. La Belgique enlevée, que feront l’Angleterre, la Prusse, L’Autriche et la Russie ? –Rien- L’Angleterre d’abord est hors d’état de faire la guerre, et encore moins en état de la payer, comme elle le fit contre Napoléon –le- Grand, en s’endettant complètement
complètement. L’Angleterre aujourd’hui tremble à la seule idée d’une descente française sur ses rivages ; les journaux anglais prouvent sur tous les tons qu’elle serait incapable de le débarrasser de l’ennemi, sans d’immenses désastres: sa flotte est disperse; son armée de terre est miserable, sauf quelques regiments, et ses populations ne savent pas manier le fusil. L’Angleterre donc rongera son frein, trop heureuse qu’on la laisse tranquille chez elle. Quant à l’Autriche, son armée est bonne, mais ses finances sont obérées; et puis, que lui importe, au fond, que la Belgique soit française pourvu que la Révolution ne règne pas a Paris ? Pour la
la Prusse, elle ne bougera pas si l’Autriche se taît; et puis ce ne serait pas la première fois que la France amuserait la Prusse en lui faisant espèrer le Hanovre. L’Allemagne d’ailleurs n’est pas encore bien guérie de la fièvre révolutionnaire : elle a besoin de paix, de repos et de bonnes garnisons. – Reste la Russie. Voudra-t-elle faire la guerre ou bien ne préférera–t-elle pas profiter de l’exemple pour faire valoir l’une ou l’autre prétention sur la Danube ? La France ne demande pas mieux que de s’entendre avec elle ses ce terrain. L’amitié de Napoléon le Grand et d’Alexandre est un utile précédent.
précédent pour une pareille politique. Voilà la question posée dans toute sa nudité :l’avenir nous apprendra si Dieu en a décidé autrement. En attendant, la Belgique est fort inquiété. Le Roi Léopold a été extrêmement irrité du décret sur les biens de la famille d’Orléans, décret qui enlève à ses enfants la plus grande partie de leur fortune. Il a voulu protester par la voie diplomatique; mais le conseil des ministres lui a représenté le danger d’une pareille mesure, en insistant sur cette considération que la Belgique, état constitutionnel, ne pouvait
pouvait intervenir dans une contestation d’intérêt privé, personnel à son Roi. C’est peut-être de la politique prudente ; mais quand on se trouve en présence d’adversaires audacieux et entreprenants, la prudence est bien souvent de l’imprudence : le sort de la dernière assemblée législative en France l’a surabondamment prouvé à force de discuter quand et par où il faudrait commencer l’attaque, elle a perdu la bataille, sans avoir même combattu.- Je livre ces réflexions à la haute [p17 ] et sage appréciation de Votre Excellence et je saisis cette occasion pour Lui renouveler les assurances de mon respectueux dévouement Vcte E. de Kerckhove
P.S. Je serais très-reconnaissant à Votre Excellence qu’Elle voulûit me marquer la date de la réception de ce rapport. L’heure est trop avancée aujourd’hui pour que je puisse expliquer le motif de cette demande : j’aurai l’honneur de lui exposer mes raisons dans une autre lettre – il me suffira que Votre Excellence veuille m’indiquer le numéro et la date de mon rapport, pour que je sache à quelle lettre il est fait allusion-
Series | HR.SYS-228-14 |
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Place | Brussels |
Date | 28-01-1852 |
Author | Eugène de Kerckhove |
Recipient | Aali Pacha |
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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.