Synopsis

Affaire de Mechvérét. 2 Annexes. Très confidentiel.

Report on the Riza case in Belgium. Lorand continues to oppose the government who tries to silence Riza. Riza will be banished from the country as soon as he enters the realm. The content of Lorand’s article is not appreciated.


Transcriptions

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Monsieur le Ministre, Faisant suite au télégramme que j’ai eu l’honneur d’adresser à Votre Excellence le 20 de ce mois, sous le N[umer]o spécial 156, je m’empresse d’y ajouter quelques détails indispensables sur la situation actuelle de l’affaire du « Méchvérét ». Votre Excellence voudra bien se rappeler que lors des débats de l’interpellation tenus à la Chambre des Représentants, le député radical  Lorand, qui avait déjà invité dans son journal «  la Réforme » Ahmed Riza de le prendre comme éditeur responsable, a renouvelé publiquement cette offre, jetant

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[1] un  défi au gouvernement d’en empêcher dans ces conditions la publication. En effet, la Constitution belge prescrivant parmi les libertés fondamentales, la liberté de la presse, sans la moindre restriction, une publication quelconque faite par un citoyen belge, sous sa responsabilité, ne saurait être entravée. SI dans cette publication il se trouve des outrages qualifiés, la seule issue légale que reste à l’offensé, est de poursuivre devant la justice en vue d’obtenir satisfaction; et à cet effet, il y a une loi sur la presse qui protège contre les outrages de ce genre, les Souverains et Chefs d’Etat, les gouvernements étrangers et leurs représentants en Belgique. En fait, l’impunité est assurée à l’insulteur, car tout délit de presse devant être déféré au jury, l’acquittement est presque certain d’avance. Il y a peu de temps, le Shah de Perse en a fait la triste expérience ; les injures les plus grossières lui ont été adressées même pendant le procès et le jury a prononcé   [2] l’acquittement de tous les insulteurs sans s’arrêter à rien. D’un autre côté, le procès intenté récemment au « Mechvérét » par l’Ambassade Impériale à Paris et qui a été plaidé même devant la justice ordinaire, n’a pas eu malheureusement un meilleur résultat. Avec la composition du jury, l’état de surexcitation factice dans lequel les journaux radicaux et socialistes tiennent les classes où il se recrute, les déplorables publications officielles, notamment les blue books et les livres jaunes des Cabinets de Londres et de Paris, qui ont donné un semblant d’apparence aux légendes fantaisistes qui se sont formées sur certaines de nos questions, des poursuites ici aussi auraient inévitablement un résultat désastreux et j’ai la conviction qu’il faut, à tout prix, s’en abstenir. Dans les conditions où se présentait l’affaire du « Mechvérét » se publiant sous la responsabilité d’un belge qui se trouve être, en plus, membre de la Chambre des Représentants, il ne me restait que deux voies pour aller au plus pressé

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[1]   et réagir contre cette infamie protégée par la loi, dans la mesure du possible : d’une part, décider les imprimeurs à refuser la continuation de la publication de ce journal d’infamie, et d’autre part d’obtenir sans autre délai, l’expulsion du territoire belge de son digne directeur. Notre Consul Général a pu obtenir le premier point des propriétaires de la lithographie qu’Ahmed Riza tenait soigneusement cachée et qui a pu être découverte et où s’étaient publiés les trois numéros parus en Belgique de « Mechvérét » turc. Le gain que les demoiselles T’sas retiraient de cette publication ayant été reconnu par elles peu important, Monsieur Allard a tenu tout de même à les indemniser avec mon autorisation de la perte qu’elles subiraien , avec 250 francs, et lorsque Ahmed Riza est allé avec Lorand les inviter à publier le journal, elles se sont refusé simplement à continuer à participer dans la mauvaise action qu’on voulait leur faire faire [sic]. D’autre part, comme des agents de la Sûreté Publique, s’étaient rendus ouvertement envoyés par elle pour s’enquérir simplement   [2] auprès des demoiselles T’Sas si Ahmed Riza et Lorand avaient demandé la publication du journal turc, et celles-ci leur ont assuré qu’elles s’y étaient refusées. M(onsieu)r Lorand a pris prétexte de ce fait pour entreprendre une campagne des plus violentes et des plus injurieuses contre le Ministère de la justice et la sûreté publique, dans laquelle il n’a pas même épargné la personne du Roi, prétendant que les Autorités avaient « terrorisé » les propriétaires de la lithographie, en les menaçant de la Cour d’Assises, si elles avaient continué la publication du « Mechvérét ». Par ce qui précède, Votre Excellence voit ce qui en est. Le Ministère de la justice auquel j’avais communiqué la décision spontanée des directrices de la lithographie, a pu, à juste raison, opposer un démente formel aux insinuations mensongères de M(onsieu)r Lorand et cette campagne de presse a tourné absolument à la confusion et à l’aplatissement du député socialiste radical. Votre Excellence voudra bien observer la fureur dans laquelle il est entré devant sa défaite piteuse, par article

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[1]   que je me fais un devoir de placer ci-joint sous les yeux de Votre Excellence et auquel la Sûreté publique n’a pas manqué de répliquer victorieusement par le « Journal de Bruxelles », organe officieux gouvernemental. Je savais bien que nous ne parviendrions pas à faire cesser ainsi la publication du Méchvérét turc, le procédé de la lithographie du journal pouvant être facilement obtenu par tout ouvrier un peu expérimenté, mais Votre Excellence comprendra les raisons pour lesquelles, même un premier refus d’honnêtes gens de publier de semblables ignominies me paraissait présenter des avantages réels. Le résultat piteux des attaques forcenées de Lorand contre la sûreté publique prouve que je ne me suis pas trompé. Quant au second point cité plus haut, c’est-à-dire l’expulsion définitive de la Belgique d’Ahmed Riza, je suis heureux de dire à Votre Excellence que le gouvernement du Roi en a compris également l’utilité et l’importance. Sa Majesté ayant partagé l’avis de son conseil des Ministres,   [2] Elle signa l’arrête d’expulsion qui fut immédiatement communiqué à Ahmed Riza à Paris. Si, comme le lui insinue Lorand dans son article, il osait se présenter ici, malgré toutes les bravades de son ami, rien ne l’empêchera d’être tout simplement emprisonné, s’il persiste à désobéir. Votre Excellence voudra bien observer également que Lorand menace d’interpeller le Gouvernement sur l’illégalité de l’arrête Royal et annonce la publication du Mechvérét samedi prochain. Sur le premier point, il échouera piteusement ; d’ailleurs les Chambres prennent leurs vacances de Noël demain et d’après ce que le Ministre de la Justice m’a dit, cette interpellation éventuelle ne pourrait être discutée que dans quinze jours au plus tôt. Sur le second point, le journal peut bien paraître samedi. Nous verrons ce qu’il contiendra. Déjà, dans le premier Numéro paru sous la responsabilité de M[onsieu]r Lorand et que je place également ci-joint sous les yeux de Votre Excellence, il se trouve un paragraphe injurieux au plus haute titre, qui me concerne. S’il y ajoute quelque chose encore, sur l’avis de jurisconsultes des plus éminents, tant du parti catholique que du parti libéral,

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je pourrais facilement lui intenter des poursuites personnelles pour diffamation devant la justice ordinaire et j’espère que Votre Excellence ne me refusera pas, au préalable, sa haute autorisation pour cela. Si le cas venait à se présenter et que les vilenies de me présenter comme « ennemi » de notre Souverain et comme « courtier » des industriels belges venaient encore à s’aggraver, ce qui n’est pas improbable, nous obtiendrions surement une condamnation qui guérira à jamais le député, ami d’Ahmed Riza, des velléités de se rendre grotesque comme éditeur responsable de journaux dont il ne comprend pas le premier mot et de s’entendre condamner au moins aux frais de publicité qui sont lourds à supporter, sans parler de dommages-intérêts possibles, qui pourraient aggraver encore la sentence pour des injures et des outrages qui s’y trouvent et dont il doit forcément assumer la pleine et entière responsabilité. Veuillez, Monsieur le Ministre, agréer les assurances de ma très-haute considération. De Votre Excellence le très-humble et très-obéissant serviteur Et(ienne Carathéodory.

How to cite

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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.




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