Synopsis

Conférence antiesclavagiste. Confidentiel.

Carathéodory reports on the work of du Menil. Inspired by Cardinal Lavigerie, Du Menil writes on the slave trade in Africa and accuses the Ottoman authorities to illegally cooperate. Carathéodory wants to disprove this defamation.


Transcriptions

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Monsieur le Ministre, Dans une publication qui vient de paraître chez l’éditeur Dentu, à Paris, intitulée : Questions Africaines (la Croisade Noire), ayant pour auteur le marquis de Bonard du Menil et qui est évidemment inspirée, en vue de la Conférence antiesclavagiste, par le Cardinal Lavigerie, dont elle reflète les idées, il se trouve certaines allégations, sur la malveillance notoire desquelles je me fais un devoir d’attirer l’attention de Votre Excellence. L’auteur de ce travail prétend que le domaine de la traite Africaine se diviserait en quatre régions distinctes, à chacune desquelles correspondrait une route particulière. La première, entourée par le Niger, alimenterait le marché de Tombouctou et, par là, le Maroc. Une autre, celle des grands lacs, dans

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laquelle les caravanes aboutissent dans les environs de Saadani, Bagamoyo ou Dar- es-Salam, d’où les esclaves, embarqués pour Mascate, gagneraient de là à pied les marchés lointains de la Perse et du Turkestan. La troisième comprenant le Bornou, le Wadaï et le Bagirmi, enverrait ses caravanes dans la Tripolitaine. Enfin, le Darfour, le Kordofan et tout le Soudan Egyptien, fournissant plus spécialement les ports de la Mer Rouge, formeraient la quatrième région du commerce de chair humaine. Ce sont ces deux dernières qui nous intéressent spécialement. Pour la troisième, la brochure d’allures officieuses dont il s’agit, contient textuellement le passage suivant : « Les autorités turques qui se trouvent à Murzouk ferment les yeux et, pourvu qu’on leur fasse la politesse d’introduire les caravanes la nuit et de leur solder un faible droit de passage, elles favorisent clandestinement le commerce des esclaves.» « On estime à 10,000 environ le nombre des malheureux exportés par cette voie. Elle sera probablement la dernière par laquelle pourra

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se faire la traite, à moins qu’on ne se décide à faire occuper la Tripolitaine par une Puissance chrétienne. Mais il y a des difficultés diplomatiques qui ne sont pas de notre compétence. » Quant à la question de la quatrième région, qui fournirait les ports de la Mer Rouge, l’auteur prétend que les esclaves, arrivés du Darfour, du Kordofan et du Soudan Egyptien à la côte, sont expédiés sur des boutres finement gréés, montés par de marins de choix. La traversée étant très-courte et la nuit étant toujours assez longue dans ces contrées sans crépuscule et de perpétuelle équinoxe, la surveillance est impossible. « Deux ports, - continue textuellement l'auteur, - « Djeddah et Hodeïdah sur la côte arabique, ont le monopole de ce commerce. Les navires n’y abordent point. Ils vont accoster à peu de distance, soit au nord, soit au sud. Les esclaves sont emmenés nuitamment dans la ville, où on les répartit dans les maisons, par groupes de cinq ou six. Les autorités turques perçoivent quatre thalaris par tête d’esclaves. On peut penser si elles ferment les yeux. Pendant l’année 1888, au mois de septembre, il était passé dans le seul port de Djeddah plus de 12,000 esclaves.

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Le commerce de Hodaïdah est encore plus important. L’exportation par la mer Rouge atteint donc un minimum annuel de 25,000 esclaves. » Je crains fort que ces audacieuses allégations, produites dans un travail « dédie au très-saint Père et à S[on] E[xcellence] le Cardinal Lavigerie » et inspiré, tout au moins, par ce dernier, ne pénètrent, d’une façon quelconque, dans l’enceinte de la Conférence. Il me semble d’une importance capitale, que nous puissions opposer à réduire surtout à néant ces calomnies, aussi perfides que méchantes, de prétendue connivence dont les autorités Impériales sont accusées, avec une assurance téméraire, qui va jusqu’à indiquer le prix de redevance qu’elles prélèveraient par tête d’esclaves. Je serai particulièrement reconnaissant à Votre Excellence de toute rectification ou instruction dont Elle se plairait à me munir à cet effet. Veuillez Monsieur le Ministre, agréer les assurances de ma très-haute considération de Votre Excellence le très-humble et très-obéissant serviteur Ét[ienne] Carathéodory.

How to cite

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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.




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