La révision constitutionnelle et les désordres en Belgique.
Carathéodory reports on the revision of article 47 of the Constitution. He describes the fierce battle that erupted in Belgium. The Socialist party encourages the labourers to protest. This could only happen due to the huge industrial crisis throughout Europe. Carathéodory further describes the three new bills concerning article 47 of the Constitution.
Monsieur le Ministre, Votre Excellence a été mise au courant des différentes phases principales qu’a traversé jusqu’à présent dans la longue période de deux ans, depuis son apparition dans le Parlement Belge, la question de la révision l’article 47 de la Constitution, c’est-à-dire des conditions de l’électorat en vigueur depuis 1830 et leur remplacement par un mode plus en harmonie avec les exigences de l’époque actuelle. La question soumise aux délibérations de la représentation nationale était des plus ardues et présentait des difficultés considérables à surmonter ; mais une fois posée, elle devait coûte que coûte être résolue, à moins de s’exposer aux dangers inévitables qui surviendraient infailliblement par la surexcitation et l’effervescence des masses populaires, dont
les nombreuses classes ouvrières en Belgique, sont travaillées par le parti socialiste. Celui-ci trouve, il ne faut pas l’oublier, le terrain bien préparé à une propagande subversive par les démêlés continuels entre patrons et ouvriers et la crise intense industrielle qui sévit depuis quelques années dans toutes les régions occidentales de l’Europe. Au milieu d’une situation compliquée dont le danger augmentait à raison du mouvement que les meneurs des partis avancés provoquaient parmi les classes ouvrières en faveur du suffrage universel, qu’ils présentaient comme une panacée et un remède devant mettre fin comme par une baguette magique, à toutes ses misères. Le ministère Beernaert, très perplexe, s’était arrêté à un terme moyen. Il prit la tête du mouvement, fit voter la prise en considération de la proposition présentée par Mr. Janson, chef de l’extrême gauche, de révision constitutionnelle stimula la nomination des Commissions parlementaires ; mais son activité subit un temps d’arrêt par les temporisations qui
s’en suivirent. À côté du suffrage universel pur et simple préconisé par les avancés et dont personne autre ne voulait, surgirent d’autres propositions, comme il était à prévoir, plus en harmonie avec les sentiments de ceux qui y étaient hostiles par principe, basées, les unes, sur l’habitation ou l’occupation, les autres sur le capacitariat. Le gouvernement prit parti pour les premières, la gauche modérée se déclara pour les secondes et les dernières sélections se firent sur ces plate-formes. Le résultat en fut forcément négatif. Chacune des trois fractions persistant dans son opinion, il y eut impossibilité d’obtenir « l’accord patriotique » tant souhaité par Monsieur Beernaert et indispensable pour l’obtention de la majorité des deux tiers des votes pour une modification de la Constitution. Dans ces conjonctures et dans une situation sans issue, le Chef du Cabinet prit le parti de laisser simplement aller les choses à la dérive ; il ressaisissait ainsi la liberté d’action du Gouvernement, lié vis-à-vis de ses partisans de la droite au projet de l’habitation, et il
pouvait trouver plus facilement un terrain de conciliation, soit avec le parti doctrinaire et Monsieur Frère-Orban, soit avec l’extrême gauche et Messieurs Janson et Féron. La tactique de Monsieur Beernaert n’était pas sans habileté. Il lui fallait en effet d’autant plus déblayer le terrain entièrement que dans le sein même de la droite. Monsieur Woeste, chef incontesté de la majorité lui était, malgré ses assurances publiques contraires, personnellement hostile. Ce qui se passe actuellement montre que cette hostilité sourde de Monsieur Woeste et de ses partisans politiques dure toujours et que le Gouvernement avait pleinement raison de se méfier de ce groupe de ses amis. En effet, ce qui devait forcément arriver est arrivé. Toutes les propositions révisionnistes principales et subsidiaires furent rejetées, aucune n’ayant eu les deux tiers des voix. Ce résultat atteint, trois nouvelles propositions ont surgi sur ces ruines fumantes, résultat de deux ans d’efforts inutiles ; deux de ces propositions sont basées sur le suffrage universel, auquel elles accordent comme correctif, l’une un
second vote accordé aux citoyens âgés de 40 ans et plus, l’autre accordant même jusqu’à un troisième vote à certaines catégories de propriétaires et de hauts fonctionnaires. Ces deux propositions ont pour auteurs deux membres de la droite, Messieurs Nyssens et Coremans. Il paraît presque certain que le Gouvernement s’y ralliera, et comme l’extrême gauche y donne également son adhésion, il est plus que probable que l’un de ces systèmes de « vote plural » quelque peu modifié, finira par obtenir la majorité voulue des deux tiers, à moins que Monsieur Woeste, auteur de la troisième des propositions actuellement en présence, et qui cherche un rapprochement avec la gauche modérée sur le système du capacitariat, ne parvienne à disloquer une forte partie de la majorité gouvernementale. Dans ce cas le Cabinet mis en minorité tomberait et l’on ne voit pas bien qui pourrait lui succéder, car un ministère Woeste provoquerait infailliblement une résistance qui pourrait avoir des conséquences désastreuses. Ce serait un gâchis qui pourra être évité, il faut l’espérer, car il est évident qu’une
intervention étrangère en Belgique, dans le cas d’un mouvement révolutionnaire, ne serait pas absolument impossible, et la paix de l’Europe pourrait être ainsi sérieusement menacée. Déjà les désordres provoqués dans le pays par le parti socialiste depuis quelques jours, sous prétexte du rejet du suffrage universel font une fort mauvaise impression et provoquent des commentaires dans une certaine partie de la presse étrangère, que les Belges modérés, à quelque parti qu’ils appartiennent feraient bien de méditer et qu’ils méditent sans doute. Ces désordres ne sont du reste pour le moment que de simples bagarres, sans grande importance qu’on veut exagérer à dessein. À part deux attentats de voies de fait regrettables contre Monsieur Woeste et Monsieur Buls, Bourgmestre de Bruxelles, tout se borne à la dispersion des rassemblements défendus sur la voie publique et les contusions et coups inévitables qui s’en suivent ; mais l’agitation continuant, le mouvement peut prendre une tournure bien plus dangereuse, et c’est ce que le Gouvernement évitera sans doute en y mettant un terme par
Series | HR.SYS-223-6 |
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Place | Brussels |
Date | 16-04-1893 |
Author | Etienne Carathéodory Effendi |
Recipient | Saïd Pacha |
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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.