La Révision de la constitution et les grèves en Belgique.
Carthéodory describes the many strikes in Belgium and reports on the dangerous situation in the Borinage, Charleroi and Liège. A growing number of labourers ask for universal suffrage, which resulted in debates in the House of Representatives.
Monsieur le Ministre, Je me suis fait un devoir de signaler dans le temps à Votre Excellence le danger qu’il y avait pour la Belgique, en laissant au conflit social qui se manifeste depuis quelques années par les dissidences entre patrons et ouvriers et les grèves fréquentes qui en sont la conséquence inévitable, prendre des proportions qui deviendront infailliblement, si l’on n’y prenait garde, à un moment donné, très dangereuses et menaçantes pour la tranquillité publique. Aux difficultés qui existaient, est venu se greffer depuis l’année dernière un mouvement politique visant l’établissement du suffrage universel. Les classes ouvrières croient y voir, la fin de tous leurs maux. C’est certainement une amère illusion. Mais le signal était donné ; le mouvement grandissant a vu d’œil nécessitait une prompte solution. Une proposition formelle de révision de la
Constitution sous ce rapport fut introduite en conséquence à la Chambre des Représentan[t]s, qui en a voté la prise en considération. Le Gouvernement s’y est monté favorable ; dès que la section centrale saisie actuellement de la question, en aura fini l’examen, ainsi que celui des points subsidiaires désirés par le Gouvernement et aura déposé son rapport, le débat s’ouvrira dans le Parlement. Votre Excellence trouvera sous ce pli la lettre, ancienne déjà de plus d’un mois, adressée par le Chef du Cabinet belge au Président de la section centrale et dans laquelle Mr. Beernaert expose avec une grande franchise les dispositions conciliantes du Gouvernement du Roi. En effet, si, avec le système de l’occupation qui a les préférences du Cabinet on peut arriver à élever, le nombre vraiment dérisoire actuel de 195.000 électeurs pour toute la Belgique, payant le cens établi par l’article 47 de la Constitution, à celui de 6 et même de 700.000 d’après les calculs ministériels les plus récen[t]s, ce serait nier l’évidence que de ne pas y voir un très réel progrès et peut-être un acheminement sûr vers le suffrage universel
complet, tel que le désirent les ouvriers et leurs meneurs indigènes et étrangers. En attendant, ceux-ci, estimant d’un côté les concessions insuffisantes ; craignant d’autre part, du moins à ce qu’ils prétendent, une mystification qui, par des retards et atterrissemen[t]s calculés et les divisions des partis politiques relégueraient la réalisation de leurs désirs et à l’infini ; résolu d’en poursuivre par les moyens les plus extrêmes la revendication ; malgré les avis certains de leurs chefs et de l’union internationale, au dernier Congrès ouvrier de Paris, dans le but de retarder actuellement les grèves partielles et de réserver toute passion contre les classes dirigeantes à une grève générale qui éclaterait plus tard simultanément sur tout le Continent Européen et la Grande-Bretagne, n’ont pas patienté, à l’heure qu’il est, la grève des ouvriers mineurs, dont le nombre total est de 100.000 en Belgique, est presque complète. Le chômage, commencé dans les grands centres miniers du pays il y a une semaine, s’étend petit à petit ; il comprend aujourd’hui à part le pays de Liège, les
bassins du Centre, du Borinage, de Charleroi ; le nombre des grévistes atteignait hier près de 80.000. Les autres ouvriers s’agitent également ; Gand, dont l’industrie est surtout textile resté en dehors jusqu’à présent, a des velléités depuis hier de faire cause commune ; la situation à Bruxelles même, d’après ce qui me revient n’est par exemple de toute appréhension. Heureusement, jusqu’à présent tout est calme et il faut espérer qu’on ne devra pas avoir recours aux moyens extrêmes qui ont amené il y a quelques jours à la ville frontière française de Fourmies de résultats aussi lamentables. Toutefois, le Gouvernement est décidé à protéger les personnes et les propriétés contre les fauteurs de troubles et les ordres les plus sévères sont donnés à cet effet au commandan[t]s des troupes envoyées et concentrées dans les régions contaminées. Il est à espérer que cette malheureuse crise industrielle et économique sera dénouée cette fois-ci encore à l’amiable par des concessions mutuelles ; il
ne semble toutefois que le Gouvernement ferait bien d’en détacher absolument l’agitation politique qui lui sert de prétexte, en déclarant d’une manière nette et catégorique qu’il est résolu, quoi qu’il arrive, à la révision constitutionnelle, devenue aujourd’hui inévitable. Une déclaration de ce genre et une accélération tant soit peu tangible des travaux parlementaires en vue de la solution de cette question, n’ardemment désirée, seraient si je ne me trompe, les meilleurs moyens d’apaisement des masses populaires inconsciemment entraînées par le parti socialiste et anarchiste. À défaut de cela, le danger, il est à craindre, ne fera que grandir. Veuillez, Monsieur le Ministre, agréer les assurances de ma très haute considération. de Votre Excellence le très-humble et très-obéissant serviteur
Series | HR.SYS-223-6 |
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Place | Brussels |
Date | 14-05-1891 |
Author | Etienne Carathéodory Effendi |
Recipient | Saïd Pacha |
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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.