Ottoman Diplomats

Monsieur le Ministre À la suite des derniers incidents qui ont marqué le conflit avec la curie romaine et surtout les divulgations très compromettantes pour Monseigneur Vanutelli, nonce à Bruxelles, faites par l’évêque de Tournai, le gouvernement du Roi s’est arrêté à la grave décision de rompre ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Conformément aux ordres reçus de son gouvernement, le Baron d’Anethan, Ministre de Belgique près la Cour vaticane a déjà quitté Rome

sans même demander une audience de congé de Léon XIII et les passeports ont été envoyés simultanément au Représentant de la Sainteté près le Roi Léopold, Monseigneur Vanutelli a également quitté hier Bruxelles, sans que son départ ait donné lieu à une manifestation quelconque de la part des catholiques. Dans le but de justifier cette mesure violente, le cabinet de Bruxelles vient de livrer à la publicité une série de dépêches dont quelques unes présentent un réel intérêt et que je me fais un devoir de placer, ci-joint, sous les yeux de Votre Excellence. L’impression produite par cette

détermination du gouvernement belge de rompre tout lien officiel avec le Pape est loin encore de se calmer. Elle a eu, comme premier effet la décision des évêques, de se borner à chanter à leurs cathédrales respectives, le Té-deum d’actions de grâce auquel le gouvernement les avait conviés le 16 Août prochain à l’occasion de la fête patriotique fixée à ce jour, et de s’abstenir de toute participation au jubilé cinquantenaire de l’indépendance nationale. La décision dont il s’agit du corps épiscopal met dans une situations des plus délicates la droite parlementaire, qui vient d’être convoquée par ses chefs, pour délibérer à ce sujet. Comme, toutefois, la délibération

n’a pu avoir lieu « faute de participants suffisants » on se plait à espérer que la droite ne suivra pas les évêques dans la voie de vraie hostilité dans laquelle ils viennent d’entrer, mais qu’elle s’unira avec les libéraux pour célébrer les fêtes de ce pays en Royaume indépendant. Monsieur Frère-Orban que j’ai vu hier, me faisait observer que les catholiques perdraient tout crédit dans le pays, si, dans une circonstance aussi solennelle, il faisaient mine de s’abstenir et de faire cause commune avec les ennemis acharnés du régime auquel la Belgique doit cinquante années de paix et de prospérité.

Quant à l’attitude du clergé, le président du conseil et Ministre des affaires étrangères m’assurait qu’il n’y attachait ainsi que ses collègues la moindre importance. – C’est pour leur faire honneur que nous avions invités les évêques à notre fête patriotique. – me dit monsieur Frère-Orban ; - s’ils ne viennent pas, tant pis pour eux ; nous avons la ferme confidence d’avoir le pays avec nous. – Quoiqu’il en soit, la rupture qui vient de se consommer entre le Vatican et le cabinet de Bruxelles, mise en regard de l’état du conflit religieux en Prusse et de l’exécution des décrets du 29 mars en France pour ce qui concerne

l’expulsion des Jésuites, constituant autant de preuves palpables de la profonde scission de la politique inconsidérée du prédécesseur du Léon XIII à établi entre l’église et la société moderne, et font craindre qu’une réconciliation des deux pouvoirs est plus éloignée que jamais. Veuillez, monsieur le Ministre, agréer l’assurance de ma très-haute considération. De Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur. Et. Carathéodory