Synopsis

Alexandre Carathéodory Effendi states the opinion that the official Belgian complaints against him have been written very insultingly. Hij points out that Saïd Pacha has already informed the Belgians about his financial situation. He protests formally against the accusation that he has the financial means to repay his debt. He explains why he does not have the means to do so.


Transcriptions

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Monsieur le Ministre, Conformément aux ordres de Votre Excellence j’ai pris connaissance de la note, accompagnée d’une annexe, que la Légation de Belgique a adressée au Ministère Impérial le 14 du mois dernier sous le N° 168. Je crois de mon devoir de répondre par le menu aux accusations

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très-fortes, contenue dans cette pièce et exprimées en termes violents. Il me semble que la Légation Royale aurait dû, avant de transmettre à Votre Excellence cette diatribe passionnée contre un fonctionnaire, s’aboucher directement avec lui – si elle voulait agir d’une manière impartiale et en toute justice – Je lui aurais certainement fourni les éclaircissements qu’elle semble vouloir ignorer. C’est ainsi que depuis près de dix ans ont agi les différents représentants belges, chargés par leur Gouvernement de cette affaire et mus par des sentiments de tact et de désintéressement : Monsieur de Borchgrave à Constantinople, le Baron Forgeur à Bucharest, Monsieur Vanloo arum. Avant d’entrer dans les détails de la note adressée par Monsieur Neydt àVotre Excellence je crois devoir exposer à Votre Excellence ce qui suit : À peine arrivé en congé à Constantinople, je reçus, à ma grande surprise, une lettre signée «de Groote, chargé d’affaires de Belgique » insultante et comminatoire. J’ai su, plus tard que ce Monsieur était chargé par son Gouvernement de m’entretenir officieusement de mes dettes. Je ne crois pas qu’agissant de la sorte, le

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chargé d’affaires Royal ad interim ait eu l’idée de servir les intérêts de mes créanciers belges, car à cette lettre officielle, plus que raide, avec l’entête de la Légation de Belgique et numérotée (devant, par conséquent, rester dans les archives de la Légation) à laquelle était annexée officiellement la copie des instructions que lui donnait son Gouvernement, il eût été impossible d’arriver à une entente quelconque. Ayant été habitué par les hauts fonctionnaires belges cités plus haut à d’autres procédés, plus conformes aux usages diplomatiques, je retournai les pièces à Monsieur de Groote en de termes aussi courtois que possible, déclarant catégoriquement qu’étant fonctionnaire du Gouvernement Impérial je n’entendais nullement que la Légation belge pût m’insulter officiellement ainsi qu’elle aurait agi vis-à-vis d’un de ses sujets. C’est depuis lors que la Mission Royale en cette ville désirant plutôt me nuire qu’arriver à une entente sérieuse a adressé force rapports au Département de Votre Excellence sur un ton dont il serait facile d’apprécier la délicatesse si on devait surtout juger par cette dernière note. Et cependant, le 13 mai dernier, Son Excellence Saïd Pacha qui connaissait à fond mes ressources

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financières actuelles et mes intentions vis-à-vis de mes fournisseurs, a répondu, sous les N°s 13637/41 à la Légation de Belgique que « Carathéodory Effendi a promis de régler la situation à Bruxelles dès qu’il sera en état de le faire et qu’en ce moment il ne possède pour tous moyens d’existence que son traitement qui lui permet à peine de subvenir à ses besoins les plus urgents. » Malgré cela, à peine Votre Excellence avait pris la haute direction des Affaires Étrangères que la Légation Royale, représentée par Monsieur Neydt, adressait la note qui fait le sujet de ce rapport. Et parmi les différents passages plus ou moins fort, je relève ce qui suit : « on ne saurait perdre de vue que c’est grâce à la position officielle de Carathéodory Effendi qu’il a pu abuser ainsi de la confiance de ses fournisseurs. » et plus loin : « La mauvaise volonté dont C.E. fait preuve vis-à-vis de ses créanciers belges est évidente ; il a, à plusieurs reprises pris des engagements formels qu’il n’a pas tenus ». Je proteste formellement, Monsieur le Ministre, contre ce libelle diffamatoire. J’ai résidé pendant plus de dix années en Belgique et ces mêmes fournisseurs avec lesquels je reste actuellement en compte ouvert ont pris de moi pendant ce laps de temps plus de 100.000 francs. Ils ont tous confiance en moi, même, j’en suis sûr, ceux qui se sont

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adressés au Gouvernement Royal et qui représentent l’infime minorité – les autres attendent tous patiemment, persuadés qu’il rentreront tôt ou tard dans leur créance sans qu’ils aient à subir la moindre perte. Pendant mon séjour en Belgique je réglais mes notes plus qu’à la satisfaction de ces mêmes fournisseurs parce que, étant très-jeune, je comptais malheureusement fort peu et je payais largement. Ce n’est que les deux dernières années qui ont été pour moi fort dures. Grâce à des spéculations malheureuses, je me suis tout d’un coup vu réduit à rien. Après avoir vendu ma bibliothèque avec le produit de laquelle je payais des à-compte, je suis arrivé ici cherchant de tous côtés à régler ma situation laissée en souffrance en Belgique. Son Excellence Saïd Pacha et tout le Ministère Impérial des Affaires Étrangères savent dans quelles conditions j’ai passé ici quatre années avec 3000 francs que je recevais par an comme traitement du Gouvernement Impérial. J’étais resté en attendant en correspondance avec la plupart de mes créanciers et je suis fier d’assurer Votre Excellence, quoi qu’en pense le représentant actuel de la Légation Royale, que la plupart de ces créanciers me donnaient courage et m’écrivaient qu’ils patienteraient dix, vingt ans s’il le fallait, persuadés d’avance qu’à la moindre amélioration de ma situation, ils seraient

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largement compensés de leur attente. Il ressort, par conséquent, avec évidence de ce qui précède que ce n’est pas au diplomate qu’on faisait crédit pour une seule et unique fois ; mais plutôt à un client de dix années large et même méticuleux leur le paiement des notes, jusqu’au jour où lui-même fut pris au dépourvu. Si le diplomate belge qui dirige la Légation Royale avait voulu, rien que grâce au nom que je porte et au Gouvernement que j’ai l’honneur de servir, s’il avait voulu, dis-je, il aurait pu, comme les autres Représentants belges, se convaincre par lui-même de ce qui précède. Mais il paraît s’en soucier fort et il préfère lancer des accusations telles que « spoliation de nationaux » et autres phrases regrettables de ce genre. Je n’ai jamais pris d’engagement formel / ainsi que la note voudrait le faire accroire / autre que celui de payer dès que je serai en situation de le faire. C’est ce que j’ai exposé il y a trois ans au Baron Forgeur à Bucarest et c’est ce que j’ai répété à tous les représentants belges qui m’ont amicalement et courtoisement entretenu de cette affaire. Aujourd’hui ma situation n’a point changé – au contraire, je puis dire qu’elle s’est aggravée. Et malgré cela, depuis 1891, j’ai, toutes les fois qu’il m’a été possible de le faire, envoyé de modestes à-compte à ceux de mes fournisseurs qui m’ont point fait d’esclandre et qui ne

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me persécutent pas par l’entremise du Ministère des Affaires Étrangères belge. Il est tout naturel, Monsieur le Ministre, que toutes mes sympathies soient pour eux. Et grâce à eux je n’ai jamais refusé de servir un à-compte mensuel sur mon traitement, aussi grand que puisse être le sacrifice ; mais cette somme, aussi minime qu’elle puisse paraître, j’entendais que tous mes créanciers réunis en profitent. Il n’y a pas quinze jours que j’ai écrit dans ce sens à notre Ministre à Bruxelles. Ce que je refuse absolument c’est d’avantager quatre ou cinq parmi eux et il est à noter, Mr. le Ministre, que parmi ceux qui ont réclamé la protection du Gouvernement belge il en est qui ont touché de moi, pendant des années et des années, lors de mon séjour à Bruxelles, des sommes autrement fortes que celle qu’ils réclament aujourd’hui et que je leur payais largement sans compter. Pour ce qui a trait à l’affaire relative à l’annexe de la note : il y a quatre ans, Mr. Degand, avocat belge, établi à Constantinople et fondé de pouvoir de Monsieur Daschbeck, me demanda une reconnaissance de ma dette envers celui-ci (chez lequel je me fournissais depuis dix ans). Et comme j’étais chargé de m’occuper en ce moment-là de la vente de notre maison paternelle et que cette vente si elle s’opérait à 6500 Livres Turques m’aurait rapporté une dizaine de

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milles francs je ne fis aucune difficulté pour signer le document que me présente Mr. Degand malgré les intérêts de 9 % l’an qu’il réclamait, intérêts considérés comme usuraires en Belgique. La vente n’a pas eue lieu. L’administration des télégraphes qui devait l’acquérir choisit un autre immeuble. Ma part de cette maison, d’ailleurs, peu après la mort de mon père, avait passée à un autre membre de ma famille qui en dispose aujourd’hui. Ce n’est que si cette maison pouvait être vendue 6500 L. T. qu’une somme de 10.000 francs me reviendrait comme surplus de mon hypothèque. Je ne vois pas en quoi cette affaire est répréhensible. Voilà, Monsieur le Ministre, sur quoi s’est basé la Légation Royale de Belgique pour adresser à Votre Excellence la note en question. Grâce à Dieu, ma position en Belgique est trop bonne, j’ai trop d’amis pour que les insinuations malveillantes du document dont il s’agit puissent m’effleurer. Tout mon passé est là pour démentir de pareilles calomnies. Je prie seulement Votre Excellence de daigner m’accorder sa haute protection à cette occasion car il me semble que la Légation de Belgique en adressant cette note après la réponse de Son Excellence Saïd Pacha et en insultant gravement un fonctionnaire en activité de service a outrepassé la mesure

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des convenances diplomatiques. Je Vous prie, Monsieur le Ministre, de vouloir bien agréer l’hommage de mon plus profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être de Votre Excellence le très-humble, très-dévoué et très-obéissant serviteur --- Je m’empresse d’informer V.E. que malgré la modicité de ses ressources, Alexandre Carathéodory Effendi s’est spontanément offert à laisser 100 francs par mois sur ses appointements pour le règlement total de ses dettes en Belgique, à partir de son traitement du mois d’octobre prochain et cette somme sera destinée à être repartie indistinctement entre tous ces créanciers réunis. – Mon Département informera sans retard de cette décision la Banque Impériale Ottomane qui sera chargée d’opérer la susdite retenue. Veuillez, Mr. le Ministre, porter ce qui précède à la connaissance du Gouvernement Royal et agréer etc.

How to cite

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Consulted online at Ottoman Diplomats: Letters From the Imperial Legation in Brussels (1849–1914) (2014 Edition), Centre for Political History (PoHis), University of Antwerp, <http://dighum.uantwerpen.be/ottomandiplomats/>.




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